Économique
Retour05 mars 2025
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Des tarifs qui inquiètent jusqu’en Gaspésie

©Photo pixelbay.com
L’économie de la Gaspésie repose toujours sur ses secteurs traditionnels, dont la pêche, le tourisme et la foresterie. À cette liste peut s’ajouter l’éolien. L’exportation étant le fer de lance pour plusieurs, les tarifs douaniers de 25% imposés par les États-Unis inquiètent dans la région.
En 2023, le principal marché pour les produits forestiers québécois était les États-Unis (85%). Avec les droits de 14,5% déjà en vigueur sur le bois d’œuvre, le surcoût monte jusqu’à près de 40%.
En éolien, le fabricant de pales LM Wind Power à Gaspé exporte l’essentiel de ses produits au sud de la frontière. Dans les pêches, actuellement, la grande majorité des produits aquatiques du Québec sont exportés, tandis que ceux consommés au Québec sont principalement importés. En 2022, la firme Raymond Chabot Grant Thornton évaluait à 329,3 millions de dollars la valeur des débarquements de l’industrie dans la MRC du Rocher-Percé seulement. C’est le tiers du total au Québec. « En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, le marché américain achète environ 80% des pêches », rappelle d’emblée Gino Cyr, le directeur général de GÎMXPORT, qui accompagne les entreprises de la région dans le développement de nouveaux marchés au Québec, au Canada ou à l’international.
Comme la majorité, il ne voit pas d’un bon œil l’imposition de tarifs douaniers, à l’heure où plusieurs produits de la Gaspésie prennent le chemin des États-Unis. « Ça vient toucher l’économie des deux côtés de la frontière. Le prix de plusieurs produits augmente. Il va falloir que quelqu’un l’assume, cet impact-là. Le faible dollar va en absorber une partie; le client un peu aussi, mais c’est certain que le prix au débarquement va être moindre; qui va recevoir le principal impact. On ne se cachera pas que le crabe des neiges et le homard, ce sont des produits de luxe. Je ne suis pas certain que le marché va pouvoir l’absorber », analyse-t-il.
Secteur névralgique
Gino Cyr espère aussi que le gouvernement sera au rendez-vous. Celui du Québec a lancé hier le Programme FRONTIÈRE, qui vise les entreprises québécoises exportatrices du secteur manufacturier ou d’un secteur primaire dont le chiffre d’affaires est affecté significativement par la hausse des tarifs douaniers américains. L’aide financière prend la forme d’un prêt, ayant un terme maximal de 7 ans et pouvant atteindre 50 millions. Mais est-ce que les plus petits joueurs auront leur part du gâteau?
« On voit beaucoup de choses pour les grandes entreprises, mais nous on travaille surtout avec les PME, qui aimeraient par exemple faire du développement de marché au Nouveau-Brunswick, à même pas 30 minutes, mais il n’y a aucune enveloppe pour les soutenir. Le Québec est une des provinces les plus protectionnistes au Canada, il faut le dire […] Il faut aussi donner de la liquidité parce que dans cette période de transition, il faut s’assurer que nos entreprises soient capables d’absorber une partie de l’inventaire qui ne sera pas écoulée à court terme. »
©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Le directeur général de GIMXPORT, Gino Cyr.
Celui qui est également président de la Table de la forêt privée de la Gaspésie – créée l’an dernier – aimerait du soutien pour implanter des usines qui feraient la transformation de la sous-utilisation du bois comme le copeau, la sciure et la planure. Il est aussi de ceux pour une part de contenu éolien local.
« Ça serait avantageux de mettre des choses pour lesquelles les entreprises du Québec seraient privilégiées, comme ils veulent faire pour contre-attaquer les tarifs américains. Ça ne fait aucun sens que si Hydro-Québec fait des appels d’offres, des entreprises de la Chine avec un produit de moindre qualité et à un prix inférieur viennent compétitionner nos entreprises. » De son côté, GE Vernova, le propriétaire de l’usine LM Wind Power à Gaspé, n’a pas répondu à notre demande de commentaire quant aux impacts des tarifs douaniers.
Mais pour revenir aux pêches, Gino Cyr espère que l’industrie sera reconnue à sa juste valeur. « C’est super important en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, mais pas autant d’intérêt provincialement que dans les Maritimes. Moi je compare l’industrie des pêches pour nous comme celle de l’automobile en Ontario. Il faut que le gouvernement ait un coffre à outils permettant de diversifier les marchés de manière sectorielle. On l’a pas nécessairement aujourd’hui. Ç’a avait été fait en 2008-2009 et ça avait apporté des retombées évaluées à 40 millions, avec de nouveaux marchés de niche en Espagne par exemple. On aimerait une enveloppe qui permet de travailler avec les industriels et les associations de pêcheurs pour un plan de match sur cinq ans. La diversification économique, c’est long. Quand le financement est attaché, on n’est pas en attente et on est plus réactif. »
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