Économique
Retour06 décembre 2024
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Passerelle fermée : toujours pas de solution pour le moment
SAINTE-MADELEINE-DE-LA-RIVIÈRE-MADELEINE
©Photo Club de motoneige rapide blanc
Le 8 novembre, le Club de motoneige rapide blanc annonçait que la passerelle de la rivière Madeleine devait être fermée d’urgence.
Alors qu'une partie de la Gaspésie a reçu une première bonne accumulation de neige, la fermeture de la passerelle pour motoneigistes enjambant la rivière Madeleine a continué d’accaparer le temps et l’énergie de plusieurs acteurs impliqués dans le dossier récemment.
La demande faite auprès du ministère des Transports et de la Mobilité durable pour utiliser un pont routier tout près n’a pas été formellement écartée (nous y reviendrons), mais des obligations légales englobent un tel scénario et des éléments techniques devraient être mis de l’avant pour procéder. Une rencontre s’est d’ailleurs tenue mercredi dernier entre le cabinet de la ministre et des élus locaux de l’Estran et de La Côte-de-Gaspé afin d’en discuter. Tous les intervenants consultés par le Gaspésie Nouvelles sont unanimes et disent œuvrer de pair afin de trouver une solution avant le début de la saison, mais le temps file rapidement.
En rappel
Le 8 novembre, le Club de motoneige rapide blanc annonçait que la passerelle de la rivière Madeleine devait être fermée d’urgence. Suite à une visite sur le terrain, des spécialistes d’une firme d’ingénierie en structure ont conclu que la passerelle « est en très mauvais état et représente un risque sérieux pour la sécurité des motoneigistes », dixit l'organisation. L'analyse a engendré une fermeture immédiate de la passerelle.
L’infrastructure permet aux motoneigistes de faire le tour de la Gaspésie via le sentier Trans-Québec (5) de la Fédération des Club de motoneigistes du Québec, et de se rendre aisément vers l’est à Grande-Vallée, Petite-Vallée, Cloridorme et Gaspé. Sa fermeture demandera quelques contorsions, un détour ou des solutions alternatives, toujours à l’étude en ce moment. Des commerçants et des entrepreneurs craignent les répercussions financières si jamais les motoneigistes ne sont plus au rendez-vous dans le secteur de l’Estran. Dans tous les cas, il est toujours possible de se rendre au sud vers Murdochville, Gaspé et Percé en empruntant des sentiers régionaux et locaux.
©Image tirée du site web de la Fédération des Club de motoneigistes du Québec
En bleu, le sentier Trans-Québec de la Fédération des Club de motoneigistes du Québec. En vert, les sentiers régionaux; en jaune, les sentiers locaux.
Demande au MTMD
La solution la plus « simple » envisagée initialement – proposée notamment par les élus locaux – était d’utiliser le pont routier de la 132 ainsi que son approche, un peu plus au nord de la passerelle. Le cadre légal d’une telle option imposerait cependant certaines modifications techniques. Le pont étant relativement étroit, une barrière physique (comme des blocs de béton) devrait séparer les deux voies de manière distincte, pour les automobilistes et les motoneigistes, ce qui entraînerait d’autres enjeux de capacité portante et surtout de déneigement. Une dameuse risquerait aussi d’endommager la structure de l’asphalte. Des lumières chronométrées devraient accessoirement être installées pour gérer une circulation en alternance. Le MTMD doit par ailleurs s’assurer que des potentielles modifications ne vont pas affecter la durée de vie de l’infrastructure routière en créant une usure de stress.
Une autre option serait de mettre sur pied un système de « taxi » que les motoneigistes pourraient utiliser – sur appel ou selon des heures prédéterminées – afin d'embarquer sur la plateforme d’un véhicule routier autorisé qui les mènerait de part et d’autre du pont, vers le sentier. Une telle stratégie est déjà employée ailleurs sur la Côte-Nord et au Saguenay, mais est loin d’être optimale pour la fluidité du réseau.
Sinon, un détour débouchant au lac au Diable et Grande-Vallée pourrait être envisageable, mais rallongerait considérablement les excursions. « Je dirais que c’est un détour d’environ 50 kilomètres », nous expliquait récemment le maire de Grande-Vallée, Noël Richard. L’utilisation du pont routier demeurerait le scénario idéal, mais la faisabilité est très incertaine. « C’est plus problématique que ce qu’on pensait. On comprend leur point de vue [au ministère] et leurs impératifs, mais il faut absolument trouver des alternatives. » Celui-ci n’ose pas parler des impacts potentiels pour sa municipalité. « Ce n’est pas considéré, ni envisageable, que les motoneigistes ne viennent pas dans notre coin! »
©Photo fournie par le bureau du député de Gaspé
Le député de Gaspé, Stéphane Sainte-Croix, s'est rendu sur place.
L’argent est là
Le dossier a fini par rebondir sur la table du député de Gaspé, Stéphane Sainte-Croix, qui avoue qu’il ne s’attendait pas à apprendre cette nouvelle via les réseaux sociaux, à quelques semaines de l’ouverture de la saison. « On est un peu surpris honnêtement de voir l’état de la situation; de constater qu’il n’y a eu aucun signal à cet effet plus tôt […] Manifestement, on va devoir avoir une bonne rencontre pour s’assurer de la bonne marche à suivre dans ce dossier. »
Ceci dit, l’argent ne serait pas un problème. En juin 2022, le gouvernement du Québec a versé une subvention maximale de 7,35 millions de dollars à la Table des préfets des MRC de la Gaspésie et des Îles‑de‑la-Madeleine pour améliorer les circuits de véhicules hors route de la région, comme la motoneige et le quad. Le projet visait notamment à mettre à niveau les infrastructures désuètes ou non conformes qui mettaient en péril les circuits touristiques.
En juin 2023, plusieurs acteurs de la région annonçaient la concrétisation d’une entente sectorielle pour la mise en état et la pérennisation des infrastructures du circuit de véhicules hors route de la Gaspésie, avec à la clef un montant de 8,1 millions de dollars. Québec y mettait 1,1 million alors que, en tant que fiduciaire, la Table des préfets des MRC de la Gaspésie investissait une somme de 6,9 M$ provenant de différents partenaires. Les cinq MRC de la région ajoutaient chacune 20 000 $.
Les sommes sont donc au rendez-vous et l’idée est de trouver des solutions. Rapidement. L'affaire a d'ailleurs monopolisé une partie des ressources humaines du député dans les dernières semaines. Stéphane Sainte-Croix explique que l’option d’utiliser le pont routier demeure difficilement faisable.
« La proposition initiale qui semble la plus évidente pour tous s’avère que ce ne sera pas celle qu’on va retenir. Ç’a l’air simple, mais il y a plusieurs enjeux de sécurité, des aspects techniques à respecter. Ce n'est pas une question d’argent, mais on est en mode solution. On collabore et on est un facilitateur dans tout ça. Ce sont des retombées économiques importantes. »
La Fédération des clubs de motoneigistes du Québec évalue à 2 milliards de dollars les retombées économiques annuelles de leur loisir. Près de 4500 bénévoles s’occupent des sentiers à la grandeur de la province, ce qui fait dire à certains qu'il faudra peut-être un jour penser à professionnaliser ce secteur d’activités – ne serait-ce qu’en partie – à l’heure où les bénévoles se font un peu plus rares et que leur fadrdeau augement sans cesse.
« Ça lève des drapeaux, convient le député de Gaspé. Le tourisme hivernal, c’est une économie stratégique. Si on n’a pas la capacité d’embrasser nos responsabilités et d’être au rendez-vous, il faut se questionner. Il y a une destination qui peut en souffrir. Chose certaine, l’accès des motoneiges en hiver, on y tient. Il y a une bonne discussion à avoir et voir s’il y a des modèles différents. Le statu quo est quand même inquiétant », conclut Stéphane Sainte-Croix.
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