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14 novembre 2024

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

Communications municipales : fini l’anglais aux citoyens anglophones

GASPÉ

Gaspé

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Suite à l’adoption du projet de loi 96 en juin 2022, les municipalités doivent – à quelques exceptions près – utiliser uniquement le français dans leurs communications officielles.

Coup de frein aux communications bilingues à la Ville de Gaspé (et ailleurs au Québec). Suite à l’adoption du projet de loi 96 en juin 2022, les municipalités doivent – à quelques exceptions près – utiliser uniquement le français dans leurs communications officielles, ce qui a soulevé la grogne chez plusieurs. Dans les deux langues.

Seules les municipalités bilingues – dont 50% de la population parle anglais – pourront conserver le droit de s’adresser à leurs citoyens dans la langue de Shakespeare. Gaspé, malgré son passé teinté par ses racines anglophones, notamment, devra ainsi se plier à la Loi sur la langue officielle et commune du Québec.

Elle a tout de même attendu au dernier moment pour adopter sa politique d’utilisation de la langue française, dont la date limite de mise en vigueur est le 1er décembre. « On a retardé au maximum parce qu’on n’est toujours pas confortable d’appliquer cette loi ici considérant notre historique particulier », explique le maire Daniel Côté.

Celui-ci avait déjà soulevé l’enjeu en commission parlementaire lorsqu’il était président de l’Union des municipalités du Québec, sachant toutefois que ce combat était probablement perdu d’avance. D’autant plus que les pénalités sont très sévères pour les récalcitrants, pouvant résulter en l’arrêt pur et simple des subventions provinciales en tout genre, ce qui peut représenter plusieurs millions de dollars par année. « Ça commence à faire cher payé », résume Daniel Côté.

Riche héritage anglophone

 

Pour la plupart des villes de l’Est-du-Québec et même ailleurs à l’extérieur de la région métropolitaine, la nouvelle loi ne pose que peu de problème. À Rimouski, plus de 96% des citoyens parlent français à la maison. Le pourcentage grimpe à 99,5% à Matane et Sainte-Anne-des-Monts, selon les données du recensement de 2021.

La situation est cependant différente pour Gaspé. La langue parlée dans la population est sans surprise le français (88%), mais l’anglais est tout de même la première langue officielle de 11% des citoyens. Contrairement à ailleurs au Québec, la présence de l’anglais s’est étiolée au fil du temps à Gaspé. En 2006, elle était la première langue officielle à Gaspé à 13%, alors que le français était le plus souvent parlé dans les ménages (86%).

Daniel Côté

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Le maire de Gaspé, Daniel Côté.

De surcroît, Vision Gaspé-Percé Now a été fondé il y a 20 ans, en 2004, afin de s’assurer que les services essentiels soient disponibles pour la communauté anglophone. L’organisme sans but lucratif comprend d’ailleurs la position délicate de Gaspé qui risque des répercussions financières majeures si elle désobéit à la loi.

« Nous comprenons les défis auxquels la ville est confrontée, explique la directrice Jessica Synnott. Nous ne voulons pas qu’elle encoure des amendes. Nous continuerons notre étroite collaboration pour s’assurer que les services et les informations essentiels demeurent accessibles à la population anglophone, tout en respectant les exigences du projet de loi 96 […] en veillant à ce que tous les membres de notre communauté puissent accéder aux services dont ils ont besoin. » Vision Gaspé-Percé Now aura probablement plus que jamais son importance.

Jessica Synnott

©Photo fournie par Vision Gaspé-Percé Now

La directrice de Vision Gaspé-Percé Now, Jessica Synnott.

Pas d’exception autochtone

 

Si Gaspé doit abolir ses communications bilingues, certaines exceptions existent, comme pour des enjeux de sécurité publique, de santé, pour les immigrants arrivés depuis moins de six mois ou le tourisme international.

Mais rien pour l’affichage en langue autochtone, selon la lecture faite par la municipalité. Interdit par exemple de souhaiter la bienvenue à Gaspé en mi’gmaq (pjila’si Gespeg), même s’ils occupent le territoire depuis des millénaires. « On a vérifié et on n’a pas le droit. Je ne pense pas que la langue mi’gmaq menace le fait francophone présentement », ironise Daniel Côté.

Par ailleurs, la présence de l’anglais à Gaspé et dans d’autres villes au sud de la Gaspésie, dont Percé, n’a rien de surprenant. Avec le Traité de Paris en 1763 – qui voit la Nouvelle-France être cédée à l’Angleterre – les communautés anglophones font peu à peu leur apparition dans la région. Écossais, Irlandais, loyalistes, Jersiais et Anglais viendront notamment s’installer à un moment ou l’autre.

Encore aujourd’hui, l’héritage anglophone est bien présent à Gaspé, que ce soit dans la toponymie, les patronymes ou la langue parlée, où il n’est pas rare de croiser des conversations en anglais. Plusieurs familles anglaises ont forgé une partie de l’identité de la ville. Des cours sont aussi donnés en anglais au campus de Gaspé, alors que la Commission scolaire Eastern Shores a son pied à terre ici. Plusieurs membres de Nation Micmac de Gespeg parlent également anglais.

« Je comprends les préoccupations en ville, mais ici c’est complètement le contraire. Peu importe le cas d’espèce, je trouve que ça va très loin comme loi, précise le maire. On a fait des demandes à l’Assemblée nationale, mais c’est resté lettre morte. Oui à la préservation de la langue française, mais on aurait dû donner de l’autonomie aux municipalités pour l’appliquer de façon convenable. Nous, ce sont les anglophones qui sont en voie de disparition et ils ont été une richesse dans notre communauté. Il faut protéger la minorité linguistique anglophone de Gaspé. Je ne veux pas qu’elle disparaisse. On la perd au fil des ans et ça ne me fait vraiment pas plaisir.

L’harmonie a toujours été très bonne; tout le monde s’entraide sans égard à la langue. Les communautés sont soudées et c’est ça qui fait mal au cœur; l’application de loi vient remettre de vieilles chicanes à l’avant-scène. On va respecter la loi parce qu’on n’a pas les moyens de perdre les subventions, mais on va l’appliquer de la manière la plus respectueuse possible. »

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