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09 octobre 2024

Mobilisation contre les interdictions de pêcher dans le Saint-Laurent

GASPÉSIE

Algues

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Des algues récoltées commercialement dans le secteur de Cap-aux-Os.

Moules, algues et homards abondent dans le Saint-Laurent. Pourtant, les récolter soi-même demeure interdit presque partout. Un groupe de Gaspésiens tente de changer cette réglementation propre au Québec, l’une des plus strictes au Canada, afin de lutter contre l’insécurité alimentaire qui afflige leur coin de pays.

Jean-Louis Bordeleau, Initiative de journalisme local, Le Devoir

En Gaspésie, près de 36 % de la population vit dans un désert alimentaire. Las de ce qu’ils considèrent comme une « injustice », Hugo Daniel et d’autres Gaspésiens préparent le lancement officiel d’un organisme dénommé « Ensemble pour un accès aux ressources marines » au début du mois de novembre. Même cueillir les algues qui poussent devant chez lui pour se confectionner une salade ou cuisiner un bouillon est illégal, explique le jeune Gaspésien adepte de pêche au harpon. « Les algues, c’est interdit. Si tu coupes une algue, c’est environ 2000 $ pour une première fois, ton moyen de transport est confisqué et ton nom est dans le journal. »

Les amendes imposées par Pêches et Océans Canada en cas de cueillette ou de pêche illégales peuvent grimper jusqu’à 100 000 $. « Lorsque le ministère dispose de peu d’information sur un stock, une plus grande prudence est de mise pour assurer la conservation de la ressource », justifie le service des communications du ministère.

Les seules voix qui parviennent aux oreilles du fédéral sont celles « des gens qui représentent la pratique commerciale », dénonce Hugo Daniel. « En Haute-Gaspésie, il y a des communautés parmi les plus pauvres du Québec. On a des défis de sécurité alimentaire alors qu’on a la mer devant nous. C’est le plus grand garde-manger de la planète et les gens ont pas le droit d’y aller pour se nourrir. Pourquoi je pourrais pas installer une bouée et [cultiver] des moules ? Pourquoi je ne peux pas cueillir des algues alors que c’est 80 % de la biomasse ici ? »

L’épineux homard

 

Le regroupement Ensemble pour un accès aux ressources marines prévoit de militer pour l’ouverture de la pêche personnelle à toutes sortes d’espèces, mais le homard fait l’objet de débats plus épineux. La croissance de sa population dans le Saint-Laurent encourage toutes sortes de convoitises.

Le braconnage et la pêche commerciale augmentent déjà d’année en année, une troisième pêche légale — et « nourricière » — n’endommagerait donc pas davantage la nature, estime Hugo Daniel. « Chaque année, on voit des réseaux de braconnage. Chaque année, il y a des touristes qui vont dans l’eau et sortent des homards. [Si on autorise la pêche personnelle], il n’y en aura pas plus. […] Mais est-ce que ça ne vaut pas la peine de mettre du temps pour éduquer les gens là-dessus ? »

L’organisme Mange ton Saint-Laurent ! tente lui aussi de changer le rapport des Québécois avec leur fleuve. « Faut pas le voir comme une menace pour les pêches commerciales. On parle d’un prélèvement qui représente une goutte d’eau dans l’océan », fait remarquer au Devoir Gabriel Bourgault-Faucher, membre du collectif. « Tout dépend de la manière qu’on le fait » et de « la portion » de la mer qu’on prend pour notre assiette.

Saisie Homard

©Photo Pêches et Océans Canada

Du homard pêché illégalement en Gaspésie et saisi par Pêches et Océans Canada.

« En France, ça va de soi que les gens peuvent se servir sur le bord des côtes. C’est certainement encadré, et on peut pas faire n’importe quoi à n’importe quel moment et dans n’importe quelles quantités », explique celui qui est aussi chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine.

Bien que dépourvue de homard, la Colombie-Britannique autorise tout de même la pêche au crabe pour la consommation personnelle. Idem pour la cueillette de mollusques, qui n’est pas passible d’une amende au Nouveau-Brunswick.

Hugo Daniel ne comprend pas pourquoi Pêches et Océans Canada est si restrictif au Québec. « Presque dans tous les pays où il y a du homard, il y a une pêche récréative. Dans le Maine, aux Bahamas… Il a juste nous autres qui ne pouvons pas. »

L’identité même de la Gaspésie souffre de ces interdictions, plaide-t-il enfin. « T’es Gaspésien parce que tu habites sur le territoire de la Gaspésie et que tu fais des activités gaspésiennes. Se promener sur le territoire et se nourrir du territoire, c’est la plus grande activité gaspésienne. Si tu peux plus te nourrir de ton territoire, tu perds ton identité, en quelque sorte. »

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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