Coup d’œil sur John Le Boutillier

L’ANSE-AU-GRIFFON

©Photo BAnQ

John Le Boutillier vers 1870.

Québec a récemment octroyé plus de 1 million de dollars pour restaurer comme à l’époque le manoir Le Boutillier, à L’Anse-au-Griffon, qui a jadis appartenu à John Le Boutillier. Si ce bâtiment vaut autant, son ancien propriétaire, lui, mérite bien qu'on s'y attarde un peu.

Au XVIIIe et XIXe siècle, des centaines d’immigrants arrivent de Jersey, la plus grande des îles anglo-normandes. C’est à cet endroit, à Saint-Jean, en 1797, qu’est né John Le Boutillier, qui arrivera à Paspébiac en 1812, à l’âge de 15 ans, pour travailler comme commis pour la Charles Robin Company, son fondateur éponyme étant tout aussi jersiais que lui. Le nouvel arrivant deviendra ensuite gérant de l’établissement de Percé au début des années 1820, à 23 ans seulement, puis créera sa propre maison de commerce en 1833 avec un associé, François Buteau, toujours dans le domaine de la morue salée et séchée.

« À la suite du départ de Buteau, il fonde la John Le Boutillier and Company [en 1839]. Celle-ci exploite des établissements de pêche dans l'ensemble de la péninsule gaspésienne et exporte ses produits en Europe, en Amérique du Sud et aux Antilles. Elle est la principale concurrente de la Charles Robin and Company », note le répertoire du patrimoine culturel du Québec.

« Si l’on a dit que ce dernier fut le roi de la morue, la réussite de ce résidant local en a fait le baron […] Son succès dans les affaires le hisse parmi les plus grands industriels de son temps », note pour sa part Mario Mimeault, dans l’ouvrage Gaspé au fil du temps. Son entreprise donnera de l’emploi à plus de 130 travailleurs chaque année, contribuant grandement à l’essor de l’industrie halieutique avec ses exportations internationales. Elle possèdera dans la péninsule un réseau de sept comptoirs et postes de collecte pour la morue. Sa flotte comptera plus d’une vingtaine de vaisseaux au total.

Paix et politique

L’année 1833 aura d’ailleurs été faste pour Le Boutillier. En plus de fonder son commerce, il est élu député de Gaspé le 11 mars lors d’une élection partielle, avant d’être réélu en 1834 et de siéger jusqu’en 1838. Il devient plus tard député de Bonaventure de 1844 à 1847, puis de nouveau de Gaspé, de 1854 à 1867. Il s’intéressera surtout aux affaires pouvant améliorer le sort de la Gaspésie. Il participe par exemple à la création d’une commission scolaire dans le secteur de Sandy Beach, en 1853, en en devenant le président.

Le Manoir Le Boutillier à L'Anse-au-Griffon.

Anecdote intéressante, en août 1864, en route vers Charlottetown, un navire accoste aux quais de Gaspé, en face de Fort Ramsay, où demeure Le Boutillier. Les voyageurs débarquent quelques heures pour le rencontrer. Qui sont-ils? Rien de moins que les futurs Pères de la Confédération canadienne, qui se dirigeaient vers les Maritimes pour participer à la conférence de Charlottetown, et qui ont voulu s’arrêter pour « probablement discuter des propositions qu’ils entendent présenter », dixit Mario Mimeault, toujours selon Gaspé au fil du temps.

Fait moins connu, John Le Boutillier a aussi œuvré dans le domaine de la justice. Il a été juge de paix et président du Grand Jury de Percé. À ce titre, il a par exemple déposé en 1824 une requête pour la construction d’une nouvelle prison à Percé et a débattu de la nécessité de bâtir des chemins entre les différents centres de colonisation du district de Gaspé.

À noter que la première résidence de John Le Boutillier à Gaspé est toujours debout, sur le boulevard York, qui était jusqu’à tout récemment un gîte touristique (L'Ancêtre, puis Le Phénix) et qui a jadis abrité le consulat d’Espagne.

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