Économique
Retour10 juin 2024
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Projet de loi 69 : du potentiel pour la Gaspésie
GASPÉ
©Photo Gracieuseté - Marielle Guay
Québec a annoncé plus tôt son intention de construire une première ligne très haute tension de 735 000 volts vers la Gaspésie d’ici 2035.
Après l’annonce qu’Hydro-Québec sera dorénavant derrière l’essentiel du développement éolien de la province, il y a eu la semaine dernière le dépôt du projet de loi 69 prévoyant la mise en place d’un plan de gestion intégrée des ressources énergétiques, le PGIRE, pour la décarbonation du Québec d’ici 2050.
Le gouvernement évaluera notamment les diverses options possibles pour répondre à la croissance de la demande d’énergie propre « de manière ordonnée, prévisible et durable » afin de mieux anticiper la demande.
Chez Nergica, l’un des plus importants centres de recherche appliqué en énergies renouvelables au Canada, la nouvelle est reçue positivement. L’organisation souligne l’ambition du gouvernement à établir un PGIRE qui devrait permettre d’avoir un portrait transparent des potentialités du territoire en termes de ressources énergétiques. Ayant œuvré dans les milieux d’accueil des projets en énergies renouvelables et ayant des équipes déployées sur le terrain à travers le Québec depuis plus de 20 ans, elle a pu constater le besoin crucial de prévisibilité à long terme, de transparence et d’optimisation d’une gestion intégrée des ressources énergétiques pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème.
« On va regarder le projet de loi en détail, mais ç’a l’air d’une bonne nouvelle à première vue, analyse le directeur général, Frédéric Côté. On met à jour notre cadre législatif pour avoir les moyens de nos ambitions et la capacité d’agir. On veut construire en 25 ans ce qui nous a pris 100 ans à faire. C’est un chantier de société important et une occasion à saisir de positionner le Québec comme une puissance des énergies renouvelables. »
Déjà de l’expertise
Dans l’éolien, le rythme devra être cinq fois plus élevé pour développer de la puissance, comparativement à ce qui a poussé en moyenne dans les 20 dernières années. La Gaspésie a développé une expertise dans le domaine depuis la mise en exploitation du tout premier parc éolien au Québec en 1999, le Nordais, et ensuite ceux du mont Copper et du mont Miller à Murdochville en 2004 et 2005.
Nergica note d’ailleurs qu’afin de préserver une autonomie énergétique tout en assurant une transition énergétique pérenne et responsable, il sera important de dynamiser le secteur manufacturier. Pour le moment, le fabricant de pales LM Wind Power à Gaspé est le seul joueur actif du genre au Canada. D’autres sont tombés au fil des ans, comme le fabricant de tours Marmen de Matane ou Fabrication Delta à New Richmond, qui existe toujours et qui est bien en vie, mais qui ne fait plus lui non plus dans les tours d’éoliennes depuis plusieurs années déjà. À petite échelle, Kuma Brakes fabrique des plaquettes de frein dans ses ateliers de Gaspé.
©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Frédéric Côté, directeur général chez Nergica.
« Il faut s’appuyer sur l’expertise développée. Les équipements sont encore là dans les usines et les entreprises sont capables de redémarrer leur production. Je pense qu’elles sont en mesure d’y arriver », estime Frédéric Côté.
« Ça serait bien d’avoir une prévisibilité sur les volumes à fabriquer. Il y a quand même une réflexion à avoir lieu sur comment on accompagne nos entreprises pour s’assurer que le contenu québécois soit un rendez-vous. Ça doit se faire dans une logique du meilleur coût possible, mais les appels d’offres avec règle de contenu régional ont montré que les prix étaient compétitifs. Il y a moyen de travailler de manière à aller chercher des bons prix avec un secteur industriel fort. Ça devra être discuté et réfléchi, même si je ne crois pas qu’on va revoir les mêmes mécanismes qu’on a connus, mais clairement la région est bien positionnée avec ses capacités. L’Est-du-Québec est un territoire visé pour le développement éolien et Hydro-Québec regarde vers ici avec beaucoup d’intérêt pour d’autres actifs éoliens. »
Québec a annoncé plus tôt son intention de construire une première ligne très haute tension de 735 000 volts vers la Gaspésie d’ici 2035. Une structure comme l’Alliance de l’énergie de l’Est – qui regroupe 209 communautés et territoires – permet aussi une certaine acceptabilité sociale aux projets éoliens en plus de verser des redevances aux communautés impliquées puisque l’organisation est partenaire égalitaire dans plusieurs parcs éoliens totalisant plus de 1750 mégawatts (MW) sous contrat. Elle a décroché pour 922 MW de puissance répartis en quatre parcs éoliens dans la dernière année. Les investissements sont conséquents à plus de 2,5 milliards de dollars.
« Tout le monde est en train de regarder comment les prochaines étapes se dérouleront, termine Frédéric Côté. De notre point de vue, on pense qu’il y a une occasion à saisir pour encourager une stratégie de filière québécoise en énergies renouvelables avec du manufacturier, mais aussi du support à l’innovation et des start up. La course vers la carboneutralité, ce n’est pas seulement le Québec : c’est mondial. Il faut profiter de ce marché national pour développer nos entreprises et en faire de l’exportation sur d’autres marchés. Ça serait très stratégique. »
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