19 février 2024

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

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©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Madame Bolduc a enregistré 84 chansons au cours de sa carrière, dont 70 entre 1929 et 1932.

« Nous avons récemment mis la main sur une séquence d'images en mouvement montrant Madame Bolduc en train de rire et de pêcher près du pont couvert Molesworth à Macamic, en Abitibi-Témiscamingue. À notre connaissance, il s'agit de la seule vidéo la représentant, ce qui en fait un document d'une rareté exceptionnelle », explique la conservatrice du Musée de la Gaspésie, Vicky Boulay.

La découverte de cette bobine 8 mm, soigneusement préservée par feu l'actrice Andrée Boucher, révèle un précieux témoignage. C'est son père, Gaston Boucher, hôtelier à Macamic, qui est derrière la caméra. En 1940, Madame Bolduc, accompagnée de Rose Ouellet, alias La Poune, lors d'une tournée de spectacles, a fait halte dans son hôtel. C'est à ce moment qu'il a pu capturer ces images uniques. Cette découverte, fruit du hasard, est le résultat d'un travail minutieux.

« C'est une collègue, en classant des archives, qui est tombée sur un exemplaire papier de l'interview accordée par l'actrice à Carmel Dumas pour le magazine Présent à vous à l'automne 1988. C'est ainsi que nous avons pris connaissance de l'existence de ce document. Nous avons ensuite entrepris des recherches pour confirmer l'information et avons eu la chance que Jean-Pierre Bélanger, le conjoint de Madame Boucher, nous confirme l'existence de ce document et nous aide à le retrouver », ajoute Vicky Boulay.

L’extrait dure une douzaine de secondes à peine. Sur la vidéo, Mary Travers est radieuse, même si ultimement elle décèdera d’un cancer l’année suivante, en 1941. Elle avait 46 ans. « On la voit souriante, rieuse, mais on la sait malade. Il y a une dichotomie entre l’état qu’elle est supposée être et ce qu’elle laisse transparaître. Il y a du beau et du triste en même temps », remarque la conservatrice, d’un air songeur.

La vidéo a depuis été restaurée et numérisée. Elle a été présentée jeudi au public gaspésien à l’occasion du vernissage de l’exposition Madame Bolduc en tournée, qui après avoir parcouru avec succès l'Ontario et le Québec, revient à Gaspé pour célébrer le 130e anniversaire de la naissance de La Bolduc.

Pièce de collection

Des décennies avant Les Cowboys fringants ou encore Mes Aïeux, celle qui est née à Newport a été l’une des premières à planter les bases de la musique néo-traditionnelle dans la province, en s’appuyant sur des mélodies traditionnelles apprises dans son village natal ou auprès d’autres artistes, et en créant ensuite des nouvelles chansons avec des textes qui eux n’appartenaient pas à la culture orale traditionnelle, mais bien à des enjeux contemporains.

« Elle met de l’avant-plan l’urbanité en utilisant une musique enracinée dans les terroirs et les régions, explique Sandria P. Bouliane, professeure adjointe à la faculté de musique de l’Université Laval. Elle se les approprie pour faire une version de la vie des citoyens de Montréal et d’ailleurs. C’est vraiment une originalité et dans l’histoire de la musique au Québec, on va lui donner cette importance. Elle devient la première à avoir un succès avec le disque aussi important dès 1929 – femme ou pas – et d’avoir ensuite autant de visibilité avec la radio et le disque. Il y a eu d’autres artistes féminines extrêmement populaires, mais La Bolduc, elle a marqué son époque. »

Madame Bolduc a enregistré 84 chansons au cours de sa carrière, dont 70 entre 1929 et 1932. Selon le biographe David Lonergan, La Bolduc a été la première femme québécoise à gagner sa vie comme chanteuse, autrice, compositrice et interprète. Aujourd’hui, le public peut découvrir une nouvelle facette de leur Bolduc en se rendant au Musée de la Gaspésie.