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Retour20 septembre 2023
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Projet pilote en Gaspésie : déconstruire moins coûteux que démolir
CHANDLER ET GRANDE-RIVIÈRE

©Photo fournie par la RITMRG
La construction et l’entretien des maisons et des infrastructures représentent 88 millions de tonnes, soit 34 % de l’empreinte matérielle de la province.
La déconstruction de ce qui était jadis le Bistro Cyr à Chandler et des quatre bâtiments de l’ancien BMR à Grande-Rivière ont couté moins cher que leur démolition pure et simple.
S’il est contre-intuitif de penser que déconstruire pratiquement pièce par pièce tous ces bâtiments aurait été plus dispendieux que de prendre une pelle pour les mettre à terre avec le plus bas soumissionnaire, force est de constater que la première option peut s’avérer plus avantageuse.
C’est à tout le moins la conclusion de la Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie (RITMRG), qui a déposé en début de semaine son rapport sur ce projet pilote unique, l’un des rares au Québec à avoir étudié en profondeur le sujet. « Les pratiques actuelles de consommation ne sont pas en phase avec les principes de l’économie circulaire : les matériaux sont utilisés comme des ressources à usage unique », lance d’emblée la directrice de la Régie, Nathalie Drapeau.
Argent et environnement
La déconstruction a permis d’économiser 5% sur le coût du projet à Chandler (123 707$ plutôt que 129 879$) et 2% à Grande-Rivière (158 904$ au lieu de 161 399$).
« Au départ avec les simulations on voyait qu’il y avait un potentiel d’équilibre. Ce n’est pas tant une surprise que nous sommes rassurés que c’est possible de faire un projet de la sorte. Qu’il y ait des économies c’est quand même intéressant », ajoute Nathalie Drapeau.
Au-delà de la facture, l’avantage environnemental est indéniable. Pas moins de 135 tonnes de matériaux ont été réutilisés avec l’ancienne quincaillerie; une majeure partie par les citoyens eux-mêmes (70%). Pour l’ex-restaurant, c’est plutôt la valorisation à l’écocentre qui a été populaire (74%). Le cinquième des matériaux a terminé sa course à l’enfouissement.
Ce sont par ailleurs 4111 km qui ont été parcourus par les camions de transport au total au lieu des 26 862 km anticipés avec une approche 100 % démolition vers le site d’enfouissement de Gaspé. Des résultats encourageants pour les maires de Grande-Rivière et de Chandler, dont les villes se sont engagées dans le nouveau Plan de gestion des matières résiduelles 2022-2029. « Ce projet a permis de faire une véritable démonstration qu’il était possible d’avoir une approche plus environnementale et sociale sans impacts négatifs significatifs sur le plan économique. Et qu’à titre de donneur d’ouvrages, on devait encourager des pratiques plus durables. Fini le ‘on achète, on utilise et on jette’ », indique Gino Cyr.
« Malgré nos présomptions, on a constaté qu’on pouvait faire mieux et différemment même avec un bâtiment abandonné et que chaque tonne de matériau réemployée est une tonne pour laquelle on n’a pas à payer pour le transport, le broyage et le traitement. La déconstruction devra devenir une habitude », renchérit Gilles Daraîche.
Jusqu’à Percé
En parallèle, le projet local de rénovation de l’ancienne école primaire de Val-d’Espoir en École de permaculture et d'agriculture innovante a créé une occasion d’allier la recherche de solution de réduction des coûts à ses valeurs d’autonomie, d’innovation et de développement durable. Plusieurs matériaux secondaires parviennent ainsi au projet par la déconstruction du bistro et de la quincaillerie. « Beaucoup de bois de charpenterie comme des 2x4, de la tôle et aussi de la brique ont été récupérés », précise Nathalie Drapeau.
À noter que ce projet pilote a été encadré de A à Z et plusieurs partenaires ont permis sa réalisation : les villes de Chandler et de Grande-Rivière, la Fédération Canadienne des municipalités, le Centre d'études et de recherches intersectorielles en économie circulaire, l’École de permaculture et d'agriculture innovante de Val-d’Espoir, le CERIEC, l’École de Technologie Supérieure, Recyc-Québec; et les entrepreneurs MFT et Fils et Duguay Sanitaire. Un rapport complet est disponible sur le site Web de la RITMRG.
Si la déconstruction n’est pas encore très populaire au Québec, ailleurs la Ville de Vancouver a par exemple placé cette stratégie au cœur de ses priorités depuis 2011. Aux États-Unis, une industrie de la déconstruction existe depuis 30 ans et le réemploi fait partie des stratégies essentielles pour le déploiement d’une économie circulaire en construction. Restera à voir ce qu’il en adviendra au Québec et en Gaspésie, qui pourrait peut-être en être un précurseur. Un promoteur privé à Gaspé s’est déjà montré intéressé.
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