Actualités
Retour11 septembre 2019
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Il y a 110 ans, la Révolte de Rivière-au-Renard
HISTOIRE - RÉVOLTE DE RIVIÈRE-AU-RENARD
©Photo Musée de la Gaspésie
En août 1909, les pêcheurs apprennent que le prix du quintal de morues (55 kg) sera à 3,50$, alors qu’ils espéraient en toucher 5$. Ce sera la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Véronique Dupuis n’a pas oublié qu’il y a 110 ans maintenant, son arrière-grand-oncle a fait partie de la Révolte de Rivière-au-Renard et qu’il a été l’un des hommes arrêtés dans la foulée.
Un événement un peu occulté aujourd’hui, mais qui résonne encore pour celle qui est originaire de l’endroit et qui est candidate à la maîtrise en histoire à l’UQAR. Au total, 27 hommes seront arrêtés et 5 d’entre eux recevront même des peines d’emprisonnement allant de 8 à 11 mois. Dans l’immédiat, les gains seront plus ou moins palpables, mais le mouvement restera dans les mémoires et débouchera plus tard sur les premières coopératives dans le monde des pêches.
La genèse
Revenons au départ. À l’époque, les marchands de morue ont main basse sur ce commerce en Gaspésie et les pêcheurs sont à leur merci. Depuis près de 200 ans, ils sont ni plus ni moins considérés comme des esclaves auprès des marchands essentiellement jersiais, alors que le système de troc à crédit prend les ouvriers à la gorge dans une spirale d’endettement sans fin; un endettement souvent remis aux générations suivantes.
À la fin du mois d’août 1909, les pêcheurs apprennent que les marchands de morue se sont entendus entre eux pour établir le prix du quintal (55 kg) à 3,50$, alors qu’ils espéraient en toucher 5$. L’inquiétude monte et plusieurs craignent qu’à ce prix, leurs terres et leurs biens finissent par être saisis. « Ça été la goutte qui a fait déborder le vase, explique Véronique Dupuis. Dès le soir de cette nouvelle, on s’est rassemblé dans une cuisine chez Joseph "Jo" Tapp et on a décidé de se rendre à Rivière-au-Renard pour rendre visite aux marchands de morue et revendiquer de meilleures conditions, dont le quintal à 4$. »
Le mot circule et environ 50 hommes arrivent en renfort de l’Anse-à-Valleau, L’Échouerie et Petit-Cap pour se joindre au mouvement. Ils seront bientôt plus de 150 pour exprimer leurs doléances et poser un ultimatum à leur requête, et même 400 manifestants au point culminant de la Révolte. La tension monte, les manifestants menacent les marchands, ceux-ci ferment boutique et demandent l’aide de leur député, deux frégates de la marine canadienne sont envoyées, des briques sont lancées, un pêcheur reçoit une balle à la jambe, l’état d’urgence est décrété, les militaires débarquent, les émeutiers sont épinglés à même leur domicile, un procès est lancé, 27 personnes sont arrêtées et 5 sont condamnées à la prison. Tout cela du 4 au 18 septembre.
Une prémisse
Si les gains de la Révolte ne sont pas immédiats, l’événement aura à tout le moins permis de poser la première brique de l’édifice pour l’émancipation des pêcheurs en Gaspésie. « Les retombées se feront sentir un peu plus tard, ajoute Véronique Dupuis. À partir de 1930, on a vu un élan de coopératisme qui est encore visible sur le territoire aujourd’hui; 110 ans plus tard, on est capable de dire que le coopératisme au Québec maritime dans le domaine des pêches a pris racine avec ces pêcheurs qui se sont insurgés. Ç’a un peu été oublié à travers les années. Quand on sort de la Gaspésie, personne n’en a entendu parler et pourtant c’est un événement très important; un pilier. »
D’ailleurs, la Société nationale Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine soulignera le samedi 21 septembre la Révolte des pêcheurs. Cette commémoration débutera à St-Maurice-de-l’Échouerie à la Halte routière, puis sur le site du Quai d’Amours et au Centre communautaire Élias-Dufresne de Rivière-au-Renard. Une plaque commémorative sera dévoilée et une conférence sera donnée par Véronique Dupuis.
Commentaires